2.07.2010

Grands boulevards, petites contrariétés

Je vous vois d’ici, vous avez enfilé vos plus belles chaussures, et abandonné votre femme à l’allaitement du petit dernier, pour aller sur les Grands Boulevards déguster un coca zéro avec votre cousin italien dans un mauvais bar à sushis? Est-ce bien raisonnable? Savez-vous que la vie, la vraie, enfer des nutritionnistes, est pavée de gourmandises à qui veut bien se donner la peine d’un chouia de cholestérol? Savez-vous que, tel un Michel Berger-moins-les-tubes, vous risquez de toutes façons l’infarctus sur un terrain de tennis? Que comme Félix Faure vous tutoyez la rupture d’anévrisme à chaque incartade conjugale? Ou pire, que comme Balzac vous pourriez vous éteindre assommé contre la cheminée après vous être pris les pieds dans le tapis moelleux du salon? Réfléchissez…ça vaut bien un petit cassoulet, non?
Quoiqu’il en soit, voici de quoi vous aiguiller dans la jungle déconcertante des marchands de crêpes grasses et de kebab suintants, qui grouille rue du Faubourg Montmartre, et alentour. Soit dans un rayon de 500m autour de la station Grands Boulevards du métro parisien, qui de mon temps s’appelait encore Rue Montmartre. Mais les riverains en ont eu marre de se faire demander la direction du Sacré Cœur par des hordes tokyoïtes en goguette. Et la Régie Autonome des Transports Parisiens a fini par entendre leur râle émouvant.
Mais foin de considérations ferroviaires, qu’avons-nous sous le coude à vous mettre sous la dent? ( notre belle langue fourmille effectivement d’expressions débiles ). Et quand notre langue fourmille, c’est qu’on n’est pas loin de saliver. Allons!
Pour déjeûner tout d’abord, quelques options simples: l’agréable Bogory’s Café, palme de l’accueil et de la gentillesse dans le quartier, sandwicherie sans génie mais sans défaut, salades de pâtes et de fruits pour les luncheurs pressés qui veulent de l’équilibré, quelques sièges cossus, mais évitons les heures de pointe. Formules bien faîtes, toutes à moins de 9€. Dans l’attenante Galerie des Variétés, quelques bonnes cantines, à commencer par Le bar des Variétés, à l’ambiance inimitable, c'est vieillot, un peu crade comme le patron, entassé, mais le Burger de Boeuf de Salers tient la route, servi sur demande avec une belle tranche de foie gras poêlé, pour pas cher. Le café le moins cher de Paris (1€ à table) ne l’est malheureusement plus ( 1,50€ depuis mi-janvier ), en revanche c’est toujours l’un des moins bons. Petite salle planquée à l’étage, façon tripot pour joueurs de poker. Lors de notre venue mi-janvier, le patron semblait tenir une gueule de bois millénaire assortie d’un gâtisme séculier, et il restait des cotillons du réveillon depuis le sol jusqu'au plafond: ménage bimensuel, au mieux, donc.
Un peu plus loin dans le passage, un bon poulet rôti Bio, à 11,50€, croustillant et généreux. Formule en revanche évitable. A noter aussi que c’est au déjeûner qu’il est plus facile d’obtenir une table au très tendance Passage 53 - bientôt une revue de détail.
Pour l’apéro, floppée de jolis flacons au Zinc des Cavistes, servis au verre (14cl), au pot (50), ou à la bouteille. Prix raisonnables, ce qui n’est pas le cas des plats, trop chers pour de la brasserie honnête sous-vidée ( Rillettes de saumon, 9€, Entrecôte 19€…c’est non!). On peut pousser jusqu’à la rue de Trévise, chez Autour d’un verre, improbable bar à vins-resto au décor Deschiens-Friendly, avec sa sélection de vins nature, ce qui signifie quelques très belles bouteilles et beaucoup de jus de raisin oxydé, pétillant, instable, comme la plupart de ces breuvages trop fragiles qui arrivent à votre table flingués car mal transportés et mal stockés. On peut y dîner, simple et bon. Prix qui étaient doux mais n‘ont pas subi la crise ( attention! ), accueil copain, vraie belle ambiance.
Si vous préférez la bière, kyrielle de pubs interchangeables, comme le Sullivan's, et deux ou trois troquets du même tonneau en remontant les boulevards vers le Rex, et surtout on évite l’inepte Café OZ, accueil par des videurs infects, tarifs surréalistes ( 15€ le Mojito pas bon? Vous êtes sûr?), et musique nulle.
A ce stade, vous devriez commencer à vouloir dîner pour de bon, et c’est possible! Quelques foulées supplémentaires vous mèneront chez Jean, restaurant étoilé de la rue Saint-Lazare, accueil pince-sans-rire du très calé - et décalé - Jean-Frédéric Guidoni, ex-directeur de salle de Taillevent, et cuisine de haute tenue par le récemment investi Anthony Boucher ( après Benoit Bordier, parti en banlieue, nous reparlerons d’eux, des deux. Et d’œufs, si nécessaire, même si ça n‘a aucun rapport). Tarifs en conséquence.
On peut aussi - sur réservation! C’est capital! - dîner rue Richer, à l’Office, il n’y a pas si longtemps meilleur nouveau restaurant de la capitale dans la catégorie petits prix, cuisine souvent époustouflante - ce qui est néanmoins le minimum quand on ne propose que deux plats au choix. Mais les prix ont augmenté: ticket moyen hors vins autour de 40€ contre 26 il y’a à peine un an, et cuisine un poil moins percutante. C’est la triste rançon des lauriers. Notons que Jean comme L’Office ont une carte des vins particulièrement attrayante - voire d’une rare intelligence pour Jean - à prix tirés.
Enfin, pour les régionalistes, on peut grignoter gras, correct et toulousain, entourés de rugbymen ivres chez J’Go. Ou aller saluer de notre part Francesco, un des très compétents serveurs de l’indétrônable I Golosi, gastronomie italienne de haut vol - pâtes miraculeuses, cave à vins pleine de flacons éblouissants ( mais vous ne le saurez que de bouche à oreilles, sinon il faudra vous contenter de la sélection bimensuelle, restreinte mais toujours pertinente ), vraie belle cuisine italienne authentique, de terroir, avec de temps en temps des lueurs de génie ( au hasard de quelques repas: un agneau fondantissime, un tartare de veau et fromage aux truffes qui nous mit la larme à l’œil, une superbe polenta, du lieu jaune aux citrons confits, des artichauts aériens, de véritables Vongole, et un modèle de tiramisu ).Addition élastique, de 20€ par tête pour des pâtes et un verre de vin, à très cher pour un repas complet avec de la truffe et de grands vins.
Reste à combler nos amis couche-tard, avec une vraie bonne surprise: la Porte Montmartre, brasserie ouverte 24/24 et 7/7, à la cuisine tout à fait honorable - Cheeseburger bien saignant, salades et quiches qui se défendent vraiment bien, et la joie de manger une belle côte de boeuf à 4h du matin, portions généreuses, accueil presque invariablement chaleureux, pro et aux petits soins, que l’on passe à 14h ou tard dans la soirée. Un modèle de brasserie sympa, tellement moins prise de tête que le Brébant qui lui fait face avec son beau décor, mais où un serveur hautain grignote des frites dans les assiettes qui attendent sur le passe avant de les apporter aux clients ( sic! ) En poussant un peu plus loin, mais vers le sud cette fois, on peut aussi se faire très plaisir en ouvrant une Côte Rôtie La Turque 2005 - dont je n’ose vous révéler le prix tant c’est cadeau - au Vaudeville, célèbre brasserie face à la bourse, qui en revanche se lâche dangereusement sur le tarif des solides…ouvert très tard, accueil variable. De l’autre côté des Boulevards, on ne présente plus le Général Lafayette, brasserie correcte également, fréquentée par quelques oiseaux de minuit et théâtreux fraîchement rangés des applaudissements ( oui, oui, rangés, comme on l’est des voitures ).
Et, last but not least, l’endroit où - qu’il pleuve, neige ou vente, et à toute heure du jour et de la nuit - il ne faut pas mettre les pieds, j’ai nommé: RACINES. Un jour, je vous raconterai, mais pour l’instant, j’ai encore trop mal au portefeuille.

3 commentaires:

  1. Racines, avec son ancien patron extrémiste, et un serveur qui y est demeuré et qui manque un peu d'ouverture...
    Vous ne mentionnez pas SuperNature (rue de Trévise), où l'on est un peu à l'étroit mais où le cheese burger est vraiment très bien.

    RépondreSupprimer
  2. Merci pour la suggestion, je vais goûter ça au plus vite ( pour compléter la série des Cheeseburger du 2e arrondissement!). Quant à Racines...d'accord avec vous, j'y reviendrai sur ce blog.

    RépondreSupprimer
  3. SuperNature est côté 9e, mais à deux minutes du Boulevard

    RépondreSupprimer