5.30.2010

Venise: Erratum

Pourquoi diantre ai-je rebaptisé, dans un récent article sur Venise, "Anice Stellato", sympathique table nichée dans un coin magique de Cannaregio, "Stella Maris"? Allez savoir. L'anis étoilé m'aura monté à la tête. Pour la peine, et parce qu'on n'est pas chien - et enfin, afin d'éviter tout malentendu avec Tateru Yoshino ( chef-patron du Stella Maris, à deux foulées des Champs Elysées, table tout aussi parfaite qu'ennuyeuse à souhait - si, si, c'est possible, et encore ça m'embêtait d'écrire "chiante à mourir" ), je vous donne le téléphone où il faut réserver puis l'adresse où se rendre: 041.720744 - Fondamenta de la Sensa. Cela s'appelle bien "Anice Stellato" Vous trouverez facilement. Et si vous vous égarez, c'est encore mieux.

5.29.2010

Aux Lyonnais: Poele dans la main!


Quand Alain Ducasse revisite paresseusement le bouchon lyonnais, ça donne ça: une table pour japonais qui n’ont pas le temps de se taper deux heures de TGV. Ducasse fait du copié-collé avec les fonds de placards des familles, et envoie des plats hors de prix de qualité moyenne. Comme souvent dans cette catégorie où le concept se substitue à l'âme, l’emballage est plus joli que le cadeau: superbe rénovation d’un lieu chargé d’histoire. Dans l'assiette? Entrée loupée mais servie dans un bocal comme-les-confitures-de-mère-grand, Vol au vent bien relevé mais délivré tiédasse et forcément ramolli. Le meilleur de la soirée? Saint Félicien de la maison Richard, en direct de la Part Dieu. Service complètement déséquilibré, de la mignonne hésitante au chef de rang labellisable Flo Prestige, aucune cohérence et pas un zeste d’humeur. Sommelier hautain et inculte - un vin avec de la fraîcheur? si vous voulez je peux vous ramener des glaçons - Vins chers et/ou sans intérêt. Passez votre chemin.

5.23.2010

Polidor: pas si mal


On a dit beaucoup de choses sur ce bistrot qui résiste au temps, depuis 1842, à deux pas de la Sorbonne. Et souvent du mal. Cela suffisait à nous titiller. Nous vérifiâmes. Et conclûmes que ce n’était pas si mal que ça: joli décor pour asseoir les touristes (et quelques riverains, tout de même), prix franchement doux pour le quartier (plat du jour à 10€, entrées à partir de 3,50€), service à peine aimable, vins buvables ( tout Guigal, à des prix allant du correct au complètement givré: 900€ pour une Turque ) que l’on choisira dans les entrées de gamme car, c’est écrit sur la carte: « Etant donné nos bas prix, ces vins sont à vos risques et périls, en cas de bouteille passée ou bouchonnée ». Oui, vous avez bien lu, c’est scandaleux. Et illégal. Côté assiette, un filet de hareng sur des pommes de terre en salade, tièdes comme il se doit (5€), et un tartare maousse, bien relevé, haché minute ( 12,25€ ), franchement bien. Roboratif, traditionnel, bourru. Que demande le peuple? Le peuple, oh ben franchement, dans le quartier, on n’en a rien à faire.

5.20.2010

Venise: Et vogue la galère!


Vous en voulez encore? Tout chaud, en vrac: éviter le Harry’s Bar, arnaque mâtinée du souvenir d’Hemingway, qui voudrait bien qu’on lui foute la paix, et aussi le bar du Gritti, jadis plus sympathique, aujourd’hui surfait. Eviter aussi l’avenant Pesce Presto, toute nouvelle échoppe et fausse bonne affaire, juste à côté du génial marché du Rialto. Pesce Presto, c’est un peu le Canada Dry de la mer: ça a bonne mine, ça sent le poisson - enfin pas trop! - mais ça finit par coûter bonbon pour des fruits de mer quasi bruts et vaguement insipides dans un cadre de bloc opératoire seventies. Enfin, pour une soirée mémorable, on se précipite dans la géniale Enoiteca de Mauro Lorenzon, légende vivante dont nous reparlerons bientôt.

5.11.2010

Venise sur le pouce


Les espagnols nous régalent de leurs Tapas, éclipsant en termes de popularité toutes les autres cuisines de comptoir européennes. Une petite visite à Venise permet de remettre les pendules à l’heure. Dans la Sérénissime, on se régale à toute heure de sandwiches, petites portions et autres boulettes de bon aloi: les Cichetti. Dégustées sur le pouce et en levant le coude, ces bouchées ludiques et sans prétention sont comme de vrais morceaux de bonheur au bord des canaux de la plus belle ville-musée du monde. C’est d’ailleurs là que bat le cœur de la cité, ou plutôt que s’en perpétue l’âme, dans des repaires confidentiels en marge de la horde. Pour bien comprendre l’esprit vénitien, poussez la porte de la mythique Cantina Do Mori qui, telle une traboule bachique, traverse un bâtiment pour relier deux venelles proches du Rialto. Allez-y le matin, avant les groupes de touristes qui parfois l’envahissent - mais repartent presque aussitôt, en ce cas, attendez patiemment qu’ils décampent - pour prendre le pouls de la ville dans ce qu’elle a de plus sincère. Il y a certes quelques très grands vins servis au verre - et surfacturés - mais ce n’est pas ce que l’on vient chercher ici. Comme les vénitiens en costume-attaché-case, qui y entrent par une rue et en ressortent par l‘autre, vous commanderez un petit verre de vin local à tarif tout ce qu’il y de plus amical, et prierez pour que le garçon se déride ou émerge d‘une gueule de bois qui parait séculaire - car oui, nous sommes encore de bon matin ( 11h05 ) et le gars ne semble pas sucer que de la glace.

Quelques Polpettine ( boulettes ) ou Sardines Al Saor plus tard, direction l’Osteria Alla Vedova ( appelée aussi trattoria Ca d’Oro ) véritable institution à l’accueil déridable mais au cadre superbe, pour quelques Cichetti au comptoir ou directement à table, pour les lasagnes du jour, bonnes, un Fritto Misto, très bien, des Pâtes alle Vongole ou à l‘encre de seiche, parfaitement réussies. Là encore, un pichet du vin blanc de la maison et le tour est joué pour moins de 15€ par tête. Le soir, réserver. Pour manger vraiment, on va traîner ses guêtres du côté du restaurant Stella Maris, rien que pour la joie de sortir de l’axe San Marco-Rialto qui grouille de groupes en vadrouille, et aussi pour son impeccable cuisine de la mer. Prix encore corrects pour Venise, et belle ballade digestive en perspective dans ce quartier calme et authentique. Mais là encore, réserver, réserver, réserver! Midi et soir. Après s’y être cassé les dents lors de deux précédents voyages, on a fini par se le tenir pour dit!

5.04.2010

Sommelier - ou pas?



Assis confortablement - ou pas - vous venez de commander votre repas, et vous vous plongez dans la découverte d’un des plus doux inventaires qui soient en ce bas monde, j’ai nommé: la carte des vins. Tel un Huysmans moins l’agonie, vous énumérez mentalement les divins flacons, tandis que votre fiancée s’ennuie poliment - ou pas - et fantasmez la trouvaille suprême. Elle s’impose parfois d’elle-même, comme la vertigineuse verticale des Cornas de Thierry Allemand sur la carte des Enfants Rouges - ou pas, comme dans la carte des vins du Petit Nice de Gérald Passédat, aux tarifs aussi décourageants que l’inaccueillant personnel de salle. Et puis le voilà, arborant au revers le pin’s bachique de la confrérie des buveurs instruits - ou pas - frayant entre les tables, la science en proue, celui qui va vous extraire de l’embarras dans lequel vous plonge - ou pas - ce livre de cave interminable - ou pas - lourd de milliers de références comme chez Arzak à San Sébastian - ou pas, comme au 21 de Paul Minchelli, et en parfaite adéquation avec la cuisine que vous avez pu choisir - ou pas, comme à La Gazzetta avec son menu unique à influence nordique et sa carte des vins exclusivement axée sur la bassin méditérranéen (sic), le voilà donc, celui qui porte un nom à dormir couché moyennant le roque discret d’une voyelle: le Sommelier.

A cet instant, tout est possible et c’est selon. Dans le cas où vous vous trouvez dans un restaurant destiné à la classe moyenne ( qui c’est connu a tendance à disparaître de la surface du globe ), de type cave à manger dont regorgent les qaurtiers bobos parisiens - à la louche, rive droite - vous aurez grande chance de tomber sur un repaire dédié aux vins dits « nature »: part belle faite au bio, voire au biodynamique, et souvent aux vins sans sulfites. Vous irez par exemple au Verre Volé, rue de Lancry, avec votre ami Mathieu Germond, directeur de salle et sommelier de génie dans une table doublement étoilée à Londres - Le Pied à Terre - et commanderez le Saint-Péray conseillé par la maison. Et le vin, pourtant jeune, sera complètement oxydé. Imbuvable. Le ferez-vous remarquer, qu’on vous expliquera aussitôt que « c’est normal, c’est un vin naturel, c’est parce que vous n’avez pas l’habitude, ça fait souvent ça avec les gens qui ne connaissent pas ». Mais nous reviendrons sur ce versant condescendant dans un prochain article autour des bons et moins bons aficionados parisiens du « nature » ( La Crèmerie, Racines, le Verre Volé, Ma cave Fleury, Coinstot Vino et quelques autres ).

Pour l’instant, intéressons-nous aux maisons dans lesquelles nous rencontrons le plus de sommeliers aguerris au mètre carré, j’ai nommé: les grandes. Ici, normalement, sous les ors des palaces et dans les petits papiers des guides spécialisés, nous ne devrions avoir de mauvaise surprise que le nombre de zéros sur l‘addition. Pour le reste, la visite, bienveillamment guidée, devrait nous être tant agréable que pertinente. Las! Que d'amères désillusions! La dernière, chez Jacques Décoret, avec un jeune sommelier pointu mais manquant d’expérience relationnelle: nous commandâmes Pignan 2000 - parcelle originelle en Châteauneuf-du-Pape de la légende Rayas - qui nous arriva tout madérisé. Un mauvais Ruby, en somme. On nous expliqua que c’était normal, que « c’est le style Rayas, c’est parce que vous n’avez pas l’habitude, moi je trouve ça extraordinaire ». Bouteille échangée après nous avoir élégamment déposé le poids de la culpabilité sur les épaules. Fin de repas un peu gâchée, malaise, incompréhension. C’est triste quand ça se passe comme ça.


Plus loin dans nos mémoires, citons un des sommeliers du double étoilé Laurent - et pas Philippe Bourguignon, directeur de salle d’un professionnalisme éblouissant - vraisemblablement éméché - ou pas? - nous conseillant, péremptoire, un Hermitage Blanc (Jaboulet, Sterimberg) sur notre plat de pigeon. On essaie de parler, mais non. L’homme titubant ne voit pas d’alternative possible. Invraisemblable en termes de prix, vu l’étendue de la gamme disponible, inepte en termes d’accord mets-vins.
Dans le même registre, le chef sommelier de Thierry Marx au château Cordeillan-Bages, qui nous recommande un accord mets-vins qui se révèlera honteusement surfacturé et surtout cruellement inadapté, la cerise sur le gâteau étant, alors que nous y étions deux à déguster deux plats différents (risotto de soja aux huîtres pour l’un, agneau pour l’autre), de proposer le même vin(sic) sur nos deux plats, en arguant: « je ne suis pas trop pour servir deux vins différents à une même table » (resic). Si j’en ai un jour le courage, je reviendrai sur ce repas tellement catastrophique que c‘en est cocasse. Pour l’instant, j’essaie encore d’oublier.
Il y aussi les sommeliers vexés qu’on ne s’extasie pas devant une bouteille correcte, mais facturée des sommets - un Cairanne de Richaud, c’est délicieux, surtout chez mon caviste à 10€. Facturé dans les 80€ à la carte, désolé de ne pas danser sur la table - ce qui ferait de toute façon désordre à l’Arpège.

Et puis il y a les bons, dont on espère qu’ils soient plus nombreux: chez Michel Troisgros récemment, où nous nous dirigions vers un vin à plus de 100€ à la carte, et où le sommelier attira notre attention sur un somptueux Bandol du Domaine Tempier, cuvée La Migoua 1998, à prix cadeau. Merci. Il y a Josep Roca, au Celler de Can Roca à Girona, qui nous éblouit par des accords plus que parfaits et des tarifs qui sont autant de caresses. Il y a La Mare aux Oiseaux, à Saint Joachim, où le jeune sommelier est tout passion et nous offre plus que du raisin, un voyage. Il y a ce sommelier génial et dont le nom m’échappe, qui officia pendant les premières années de l’Astrance - les plus dures - désormais remplacé par un fulgurant crétin, il y a Une Auberge en Gascogne où le frère du chef Fabrice Biasiolo vous accompagne doucement à la découverte d'une cave amoureusement constituée , il y a tant de sommeliers de génie - ou pas - que je vous souhaite de tomber sur l’un d'eux pour ne plus regarder le vin de la même façon, et comprendre comment la boisson des dieux peut convertir un repas en miracle.

5.02.2010

Grands Boulevards 2: le retour!


Vous l’aurez compris, je passe pas mal de temps du côté des Grands Boulevards en ce moment - et ça ne devrait d’ailleurs pas changer tout de suite.
Alors, quelles nouvelles? Rue de Trévise, le toujours vaillant Autour d'un verre, et son décor mi-figue-mi-Deschiens nous accueille sans démériter, assiettes franches et décomplexées, ce qui veut dire du joli produit souvent, et un dressage à la truelle qui agace ou détend, c'est selon ( les gens, les heures et les humeurs ). Attention tout de même, les euros sont un peu la bride sur le cou ces derniers temps.
Dans la même rue, sympathique Supernature, recommandé par Chrisos sur ce blog-même, avec un bon Burger à la carte, et plein de petites choses saines et Bio qui font fuir les triglycérides et aimantent les bobos, notamment de belles assiettes de légumes frais bien croquants. Poisson en revanche un peu pataud lors de notre visite.
Juste à côté, rue Richer, j’ai été injuste avec L’Office dernièrement, j’y suis retourné plusieurs fois depuis et au fond, même si le menu des débuts ( 26/29€) a fait place à une carte, j’ai pu vérifier calculette en main que le coût en était à peine - voire pas du tout - augmenté ( Entrées dans les 7/9€, Plats 14/20, Desserts 7/8). En cuisine, c’est un autre chef, le propriétaire étant parti briller en Belgique, mais toujours dans la même veine, souvent inspirée. S’il y a de l’onglet de veau, jetez-vous dessus! Carte des vins impeccable et raisonnable.
Petit nouveau dans le Passage des Panoramas, Coinstot Vino, cave à manger, devient notre favori du moment, nous en reparlerons.
Juste derrière, en allant vers la bourse, un bar nul: Dédé la frite! Dont la spécialité est dans le patronyme dudit Dédé, qui nous sert des frites molles, grasses et surcuites. Mais « c’est maison », alors! De son non-décor amusant de squatt délabré dont les plâtres s’effritent le long d'un lino mural façon brique brute, Dédé ( qui n’existe pas ) nous sert aussi une des pintes les plus chère du quartier, au minimum un euro au-dessus des pubs du boulevard ( Café Oz, Sullivan’s, et au moins deux autres en allant vers le Rex ). Service étudiant qui fait ce qu’il peut, c’est-à-dire pas grand-chose et mal, mais gentiment. Dédé, c’est la plus grosse tromperie sur la marchandise vue depuis longtemps à mon sens, en tout cas le plus grand écart entre une vitrine et son contenu, à savoir un lieu qui promet du décontracté, du « maison », de l’authentique, revendique l’expertise d’un produit jusque dans son enseigne, s’avance rebelle et décalé, nous fait miroiter l’alternative à deux pas de la place de la Bourse, et s’avère être le plus gros piège à gogos du quartier: nul, mauvais et cher. Au moins, le Brébant lui, n’avance pas masqué. Il y a de la cohérence entre son décor tape à l’œil - mais réussi - ses serveurs hautains et son Perrier à 5,30€. Oui, quand même.

Mais regagnons notre planète et laissons-nous couler dans les senteurs de lotus de la vraie belle surprise du moment, j’ai nommé l’excellent nippon Kiku, rue Richer toujours, avec ses formules de 13 à 15,50€ le midi ( 2 entrées en petites portions, 1 soupe, un plat, un dessert ) et son menu dégustation à 35€ le soir.

Emmené par un chef qui a fait ses classes dans de grandes maisons, ce japonais de poche - réservation indispensable - nous assène une cuisine d’une limpidité hors norme, des produits d’une fraîcheur absolue, en plateau type bento le midi - à ce prix-là c’est in-ra-ta-ble - en une salve imparable d’évidences successives le soir. Le tout avec un service aimable et pro, une carte des sakés froids et chauds bien finaude, et un final à tomber: la crème brûlée au sésame noir. C’est simple, on n’a pas goûté mieux dans le genre depuis l’originelle de Joël Robuchon.