11.26.2009

Lapérouse: rubis sur l'ongle



Vous voulez du monumental? Du trié sur le volet? De l’exceptionnel? Du chic, du clinquant, du kitsch, du douillet, du select, de l’exclusif, du rubis sur l’ongle?
Vous poussez la porte du mythique établissement Lapérouse, rempli d’espérance et un guide touristique en bandoulière - ce qui n’est déjà pas si simple à exécuter physiquement, j’en conviens - et jetez un œil au décor, dans son jus, qui nous évoque instantanément u modre kachnicky version cosy parisien (le bar, juste rénové), et d’un historique à faire pâlir Internet Explorer après une décennie de surf endiablé.
Accueil parfait, grand style. Si vous avez réservé un salon privé (ce que l’on vous enjoint à faire illico), vous serez guidés à travers un dédale de couloirs et d’entresols jusqu’à l’alcôve feutrée qui servira d’écrin à votre dîner: unique, magique, so chic! Car si l’on va aujourd’hui chez Lapérouse, vieille gloire hoquetante au destin chaotique - mais le nouveau chef est sur la bonne voie - c’est avant tout pour vibrer devant l’évocation d’un luxe révolu, pour se frotter à une excellence fantasmée, pour caresser l’argenterie hugolienne - car oui, Victor, comme George Sand et Emile Zola, y avait ses habitudes.

Dans ce petit salon privé, nous goûtâmes quelques mets en parfaite adéquation avec le cadre: homard breton rôti, ravioles de cèpes et « sot-l’y laisse », lièvre à la royale, classiques parfaitement exécutés, voire (très) prudemment revisités. Le tout servi avec panache et professionnalisme. Desserts franchement oubliables. Carte des vins calée, où l’on peut dénicher quelques rares flacons abordables - notre choix: Vin de pays de l’Hérault, Domaine la terrasse d’Elise, cuvée Pradel, 2005. Déjà 90€, sic. Mais absolument magnifique.

Cette belle bouteille nous accompagna de son cinsault bienveillant, dans le salon feutré dit "des Sénateurs", au cœur de cette maison cossue qui hésite ou peine à basculer dans le 21e siècle, que certains trouveront délicieusement surannée sous son lustre désuet, que d’autres jugeront inabordable, approximative ou hors sujet. C’est sans doute pour cela qu’il faut l’aimer: pour son atypicité, son décalage, et malgré elle. Oublier les doubles saltos vrillés de l‘addition, ce qui demande pas mal de souplesse et de décontraction, et se laisser bercer par ces reflets d’un temps que les moins de cent ans ne connaîtront jamais, sourire aux miroirs rayés de diamant, et terminer la nuit sous la couette, frôlés par des fantômes...

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