10.22.2009

Faire débat




Une petite halte sur le chemin de l’Espagne, et c’est l’Auberge Basque, à côté de Saint Pée sur Nivelle. Au milieu de nulle part, ce qui est déjà quelque part. Mais tout juste.

Table louée par François Simon, qui est copain avec le chef Cédric Béchade, et encensée un peu partout - beaucoup - dans la presse. Et là, c’est le drâaame. Enfin non, pas tout à fait. Enfin si, quand même un peu. Mais pas que.

Ecartelés, nous sommes. Que dire? Comment décrire, critiquer, jauger, sans jeter le bébé avec l’eau du bain, et le lait de cuisson du haddock avec les filets d’églefin? Pas si simple.

Parce que la critique, c’est autre chose qu’un « j’aime/j’aime pas », parce que la critique doit être complexe et noble, foisonnante et respectueuse, étayée et insubordonnée, parce que la critique est un art honnête et subjectif, parce qu’il y a de saines colères comme des louanges douloureuses, puisqu’avant de mettre au monde il faut tenter de tout embrasser d’une même et irrépressible étreinte, voici nos deux avis sur l’auberge basque, et dans un même bref séjour, schizophrène, deux miroirs d’une même expérience, en absolu désaccord, et pourtant tous deux parfaitement sincères.


POUR

L’auberge basque: c'est si bon!

Après l’accueil adorable de Samuel Ingelaere, directeur du lieu et ancien de chez Veyrat, quelques minutes de repos moelleux dans les couettes taupes de la confortable chambre, à siroter une limonade/sangria maison et goûter les macarons d’une autre maison ( Adam, à Saint Jean de Luz ) qui nous attendent sur la table de nuit.

Puis un saut dehors, pour regarder le soleil descendre lentement derrière la montagne et profiter de la beauté du lieu. C’est calme, épuré, nous regardons l’auberge ancienne et sa partie rénovée, un beau bâtiment brut qui se découpe et s’insère dans le vallon millénaire. Fraîche quiétude d’une soirée d’automne. On est bien.


Nous passerons à table en contemplant la cuisine ouverte sur la salle, son ballet zen, ses plats sobres et maîtrisés. Archétypes d’une cuisine moderne, revisitant les classiques du terroir et les emmenant vers la nouveauté.

Le sommelier, qui nous avait accueilli, nous fraie un chemin éclairé dans la carte des vins relativement concise mais suffisamment complète pour satisfaire tous les goûts et toutes les bourses. Il y a de très belles affaires pour les amateurs de vieux - et bons! - millésimes

Le menu dégustation nous emmène en six plats et quelques petits satellites bienvenus dans ce qui pourrait être le modèle de l’auberge gastronomique du 21e siècle. Chic et décontractée. Une halte heureuse, à mi-chemin entre le luxe et l’authentique.




CONTRE

L’auberge basque: Vain sur vain.

Déçu. On m’avait pourtant vanté les mérites de l’Auberge Basque à grand renforts de magazines gastronomiques. Qu’est-ce qui n’a pas marché? Cherchons.

La déco? Pourtant, des photos de troupeaux de moutons en noir et blanc, y’en a dans toutes les chambres. Alors qu’est-ce que j’ai, moi? Je m’approche de la photo. Non non, tout est très bien, les photos sont jolies, les bérets sont là…ça y est! C’est mon curé chez IKEA! L’authentique est toc! Décor Pier Import estampillé terroir. Voilà.

Car toute médaille à son revers. Et celle qui tinte au col des moutons en troupeaux qui ornent les murs de ma chambre confortable et minuscule avec deux ampoules sur trois qui fonctionnent, celle qui tinte, la médaille, a le cruel revers de l’inauthentique.

Et nous retrouvons cela dans la cuisine qui nous est proposée. Une cuisine de dressage. Peu de choses sont cuisinées à la minute. Le chef, école Ducasse, se contente principalement d’assembler - ou de faire assembler - sur les assiettes des préparations élaborées plus tôt.

Cuisine, déco, même combat. Cédric Béchade a au moins le mérite de la cohérence. Tout est concept, mais rien n’est âme. Tout est de bon goût, mais rien n’a de goût. Le monde, ici, est taupe et insipide. Comme ma chambre. Où le ménage n’est pas fait dans les coins. Car malheureusement, un centimètre d’espace entre mon matelas et le cadre du lit en dit long sur les cheveux idoines de mes prédécesseurs blonds et bruns.




Retour en cuisine.
Le chef est un organisateur. Mais un créateur?
Le chef est une gravure de mode qui ce soir fait - un peu - la gueule. Pourquoi?
Le chef s’ennuie? Au moins est-il un peu en osmose avec nous.

Oui, c’est plutôt bon. Mais à ce prix-là, c’est normal.

Encore une fois, une cuisine de dressage. Avec ce sempiternel défaut des aliments qui sont déclinés, répétés, sans vraiment de pensée qui les soutiennent. En apéritif, des tuiles de boudin noir. Très bon. Que l ‘on retrouve plus tard accompagnant un plat de cochon ( un peu sec ). En amuse-bouche: une préparation servie dans un pot de yaourt, vraiment délicieuse, à base de foie gras, de betterave et de vinaigre. En entrée, un touron de foie gras, avec des allumettes de betterave. C’est bon, mais l’association foie-gras/betterave, ça fait 2 fois. C‘est bien fait, même si on aurait préféré un menu dégustation réellement « pensé » par un chef avec un propos, et pas des plats au petit bonheur la chance en fonction des invendus de la carte. La gelée de vinaigre de mangue qui accompagne le rouget ( un peu caoutchouteux ) est trop acide, les cuissons sont à plusieurs reprises approximatives, les plats manquent d’allant, de spontanéité, de vie.

Le service est à l’avenant. Pourtant ça commence bien. On se laisse bluffer. Un sommelier très pro, très aimable, avec cette distance juste qui qualifie les tables menées au cordeau. Impressionnant.

Ça finit moins bien. Le sommelier disparu, un serveur peu expérimenté envoie quelques coups de rhum en spray sur une omelette norvégienne au chocolat et le fait flamber; ça fait son impression. Sauf que le jeune homme disparaît illico dans les cuisines, à côté desquelles nous sommes assis, et adresse à ses collègues un : « ah t’en voulais du rhum des Antilles, t’en as eu! » que nous entendons malgré nos efforts certains pour l’ignorer. Evidemment, ça tue un peu le charme.




Comme la cuisine ouverte, qui au début du service nous impressionne par son organisation zen, son ballet spectaculairement maîtrisé, et qui nous laisse un peu déboussolés quand vers 22h15, tout le monde remballe à grands bruits de casseroles empilées, parce qu’en gros, soyons clairs: c’est fini. A 22h40, nous sommes les derniers, et l’absence de personnel pour nous renseigner nous fait clairement comprendre qu’il est temps de regagner notre chambre.

Nous nous levons, et disons au revoir au jeune serveur sus-mentionné qui boit un verre de vin dans la cuisine ouverte. Il ne daigne pas répondre, lève nonchalamment la main vers nous.

Plus tôt, nous avons vu une serviette tombée sur le sol être replacée sans hésitation sur la chaise d’un client s‘étant absenté.

Nous espérons qu’il n’est jamais revenu.

Demain, l'Espagne!

6 commentaires:

  1. mon expérience s'est limitée à un déjeuner; je partage totalement votre avis.
    Quand l'assiette attend 8 minutes au passe un élément de l'assemblage sous le regard courroucé du chef... et intrigué du client...
    pas de réponse à la salutation lors du départ
    pourquoi partir à la campagne pour reproduire tous les travers insupportables à Paris

    RépondreSupprimer
  2. Je partage la déception d'Yves Le Goff, sans oublier la blonde provocante façon vulgaire à l'accueil des chambres, au sourire commercial et aux commentaires stereotypés, ici on se la pète ! Stephane, Paris

    RépondreSupprimer
  3. J'ai tout adoré la décoration , l'ambiance, les jeunes serveurs très rafraîchissants et surtout l'excellente cuisine du chef.
    Nous avons passé une soirée merveilleuse, encore merci à toute cette jeune équipe!

    RépondreSupprimer
  4. Incroyable ! Huit menus pas moins ajoutent a la confusion de cette table au Chef bodybuildé médiatiquement qui ne touche plus terre ! Monsieur il ne faudrait pas oublier que ce sont les clients qui payent vos factures et qui donc méritent un peu plus d'attention ! C'est le royaume du foutage de gueule !

    RépondreSupprimer
  5. Nous sommes allé déjeuner une foie avec des amis et avons demander au chef sommelier un accord met et vin, le chef sommelier était apparement un peu dépassé par son service et perdu car nous lui avons donné un budget (150€ par pers, en lui demandent de nous surprendre et de ne pas nous servir de vin de la région Bordelaise car nous avons le bonheur d'en dégusté tous les week-end.
    Bref il nous a servi un Haut Médoc sur le départ et un Pessac Leognan sur la fin et n'a pas respecter la budget. Quelle déception pour un soi disant ancien de Marc Veyrat

    RépondreSupprimer
  6. Il y a là un service et une équipe à présent calée rajeunie surtout, une vue plaisante et surtout cet allant de Cédric Béchade

    RépondreSupprimer