7.12.2010

Les Enfants Rouges: la vie est un miracle


J’aimerais vous parler de cette adresse autant que je l’aime. Vous écrire combien elle compte précieusement pour moi. Ce sera difficile, car c’est une affaire de cœur. Exclusive. Personnelle. Incessible. Comme la plupart des affaires de cœur - si l’on exclut le témoignage insolent de quelques vaillants polygames.
J’aimerais que vous puissiez toucher du doigt ce qui émane d’un lieu comme celui-là. Mais c’est insaisissable, comme la vie. Parce qu’un soir, si vous veniez en fin de service, vous pourriez trouver des couples enlacés dansant sur les tubes de Dalida dans une salle tamisée, un autre soir, vous tomberiez sur une joyeuse bande de grands vignerons en goguette, entassés au bar, ou sur une salle au coude à coude levé, avec un trompettiste qui règle la circulation des plats au milieu du vacarme, ou encore, un soir de calme entre tempêtes, vous auriez la chance d’être exceptionnellement invité à vous asseoir à l’unique table extérieure, dans la courette charmante et silencieuse, un beau soir d’été, à l’abri des rumeurs de la ville moite, pour partager avec une compagnie soigneusement choisie cette intimité miraculeuse qui n’existe que dans certains lieux publics.
J’aimerais aussi que vous puissiez un jour comprendre comment Dany, la rayonnante et tonique hôtesse des lieux, insuffle à ce qui pourrait n’être qu’un banal restaurant de quartier de plus, une poésie merveilleuse, un caractère incomparable, et lui donne son âme. Car c’est bien de cela qu’il s’agit: de bienveillance, de disponibilité, de sensualité. Ce qui fait d’une adresse un miracle. Lorsque vous poussez la porte des Enfants Rouges, vous devenez très vite autre chose qu’un client: un ami, un habitué. Comme un membre de la famille. Sauf si Dany ne vous apprécie pas. Mais en ce cas, il ne faudra vous en prendre qu’à vous-même, pour être passé à côté de l’humanité qui vous tendait les bras.
J’aimerais aussi que vous soyez content de la cuisine. J’y ai tellement mangé que je ne pourrais être seulement dithyrambique. Ce serait tricher. Bien sûr qu’il y a eu ça et là des ratés. Retenez la terrine d’Anton, sympathique chef, et sa confiture d’oignons. Retenez un pigeon mémorable. Retenez le paleron confit au vin rouge. Les belles frites maison. Le riz au lait. Ne vous compliquez pas trop la vie et les choses devraient glisser, d’autant que l’exception est ailleurs. Exactement un étage plus bas.
J’aimerais que vous regardiez ce livre de cave. Et que vous sanglotiez d’émotion. Sans aucun doute, une des plus belles collection de flacons de la vallée du Rhône de la capitale. A des prix tout doux. Et, dans toutes les régions, l’expertise de Dany. Pas une faute de goût, pas un bémol, en un mot: l’élégance. J’ai goûté d’innombrables vins conseillés par Dany, parce que je lui fais confiance, parce qu’elle est vraie, parce que je l’aime. Parce que ses pas sont guidés par la passion. Pas un seul mauvais flacon. Jamais. Aucun. Néant. Ici, que vous buviez une petite ou une grande cuvée, vous serez comblé, accompagné dans le velours des tanins ou dans la minéralité des caudalies. Blotti. Rasséréné. Conquis. Tout simplement heureux. Et vous comprendrez que le vin, comme la vie, est un miracle.

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