7.10.2010
Hanoi: Le prodige « Madame Hien »
Je sors tout simplement de l’un des plus beaux restaurants du monde. Et c’est irracontable. A l’impossible nul n’étant tenu, je ne vais pas vous raconter. Suggérer, seulement.
Le vie est faite de hasards. Les déceptions les plus crues surgissent alors que l’horizon dégagé nous laissait confiants. Les surprises jaillissent de même, comme des diablotins légers hors de leur boîte dans le tumulte environnant.
Nous étions à Hanoi depuis bientôt 48h, à l’issue de trois semaines de périple au Vietnam. Et la ville était crispée, bruyante, arrogante. Les sourires moins offerts. L’urgence prégnante. Nous avions goûté à la cuisine des rues, la peur au ventre. Et à la gastronomie pour expatriés, la crainte au portefeuille.
Hanoi. Ville encore mystérieuse, dont nous rendrons mieux compte à la fin du voyage. Pour le moment, nous avons mangé dans le nouveau restaurant pensé par Didier Corlou, expert es Vietnam et chef patron de la Verticale, où nous déjeunâmes mi-pho mi-raisin. Nous y avons dégusté une cuisine sans grande pertinence, mais sans égratignure notable. Didier Corlou donc, chef façon manager et non artisan, comme on en voit hélas de plus en plus. Ami d’Olivier Roellinger, dont il partage l’amour et l’expertise des épices rares et subtiles. Marié à une vietnamienne. Dont la grand-mère se nomme « Hien ».
En hommage à cette ascendance - et mû par un opportunisme intelligent - Maître Corlou a investi voici quatre mois les murs de l’ancienne ambassade d’Espagne, avec un restaurant de spécialités vietnamiennes traditionnelles bigrement maîtrisées. A des prix raisonnables pour Hanoi. Et là, c’est bluffant. Le chef connaît son sujet sur le bout des doigts et de la langue!
Là où nous attendions les mêmes tâtonnements et approximations que dans le vaisseau amiral ( et gastronomique, La Verticale ), nous découvrons une cuisine mieux que réussie, inspirée de la vraie tradition des rues vietnamiennes, superbement réalisée, l’hygiène en plus, servie tout sourire dans un écrin où pas le moindre détail ne cloche. Beau chercher, vois pas. Le décor d’inspiration coloniale colle avec le quartier en pleine mutation - hôtels raffinés côtoyant braseros de fortune et cohue de gastronomes accroupis sur le trottoir - chic sans ostentation, le ton est parfait, le lieu immense et chargé d’âme, fruit d’une vraie réflexion doublée d’un amour et d’une expertise véritables pour ce qu’est la cuisine vietnamienne. Pour découvrir cet univers de saveurs, de formes, de couleurs, de parfums, d’herbes fraîches, de brochettes, de papiers de riz croustillants et de tofu fondants en une seule palette exquise, « Madame Hien » est le nec plus ultra. Bien sûr, que cela ne vous empêche pas de traîner vos guêtres dans les rues, à la recherche d’une expérience plus sauvage, brute, aléatoire. Mais ne manquez pas de venir passer une heure de félicité dans cet endroit magique chargé de deux histoires, la petite, celle d’une famille, que l’on découvre comme par le trou de serrure d‘une porte de la cuisine, et la grande, celle d’un pays d’une telle cohérence et d’une telle variété, qu’on pourrait le nommer "un monde".
C’est aujourd’hui qu’il faut foncer chez Madame Hien, car nous savons que ce genre d’expérience est par essence éphémère, car oui, le succès viendra, et l’on ne servira plus vingt couverts comme ce soir magique de mai, mais cent cinquante - capacité plausible du lieu - et le service n’aura plus cette même disponibilité ni cette même candeur, car oui, le succès viendra, et l’on ne comptera plus le nombre de groupes qui franchiront le somptueux portail pour venir souiller des mémoires à coups de dollars alléchants, car oui, le succès viendra avec son indissociable inflation , et le génial assortiment d’entrées traditionnelles - un repas complet, tout délices - passera de six à douze ou vingt euros, car oui, le succès viendra, et l’âme, comme souvent, et comme toujours lorsqu’un espace en a la capacité, se verra peu à peu absorbée dans le néant sidéral.
Nous verrons bien si Madame Hien, dont l’âme semble vibrer au-delà du concept, saura survivre au succès annoncé. Mais j’en doute.
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Je suis tellement d'accord avec vous, un restaurant sublime, parfait, felicitations!
RépondreSupprimerUn lieu qui en ce 25 décembre avait conservé sa magie du mois de mai. Des sourires vrais, une gentillesse comme si nous faisions partie de la famille. Nous nous sommes régalés.
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